Vendredi 20 mars 2020, 12h00
Le téléphone de Pierre sonne.
Mathias, CTO de SenX (entreprise de Brest spécialisée dans l’analyse de data) et ami de Quentin lui fait part d’un projet de respirateur. Quelques schémas électroniques ont été dessinés sur une base d’arduino, quelques morceaux de fils, des composants issus de quelques stocks antédiluviens : le concept est là.
La mise en relation est ainsi faite. Dans la soirée, Pierre échangera avec Quentin et les équipes confinées à Nantes.
Samedi soir, un premier schéma grossier est imaginé. Dans l’idée, c’est cool ce p’tit projet et ça change des sujets habituels. Quentin proposera à Pierre de venir se confiner à Nantes dès samedi, mais, chargé de famille, il décline.
A la suite de plusieurs coups de téléphone de Quentin, c’est Vincent, de chez Tronico qui sera le premier électronicien à se rendre sur place : à Nantes, il gère alors les approvisionnements, remonte les besoins locaux et le schéma sera discuté dès le dimanche.
Alimentation, électronique de puissance autant que de calcul, dispositifs liés aux alarmes, sécurités et remontées d’information : tout y passe.
Les équipes se renforcent, se professionnalisent. Il faudra plusieurs jours à Pierre pour se rendre compte qu’on est pas sur le p’tit projet du début. Il y a des médecins, une équipe réglementaire : il s’agit d’un “vrai” respirateur. Duplicable et industrialisable.
Très vite, les aller-retours s’intensifient. Il se rend compte qu’il faut plus de monde sur place. Il faut des composants, il faut souder, faire des mesures à l’oscillo, calibrer. La team soft a besoin d’un “vrai” proto. Pour ce faire, mis en disponibilité par son employeur, Pierre fait appel à Cherine Kamel, ancien collègue de Renault sport, réparateur fou de matériel HiFi à ses heures perdues. Les voitures chargées de matériel, ils prennent la direction de Nantes, l’un depuis Brest, l’autre depuis Rambouillet. Nous sommes le 26 mars.
Arrivés sur place, Pierre et Chérine découvrent la salle de travail du Palace, avec son plafond reproduisant la lumière du jour. Il est tout le temps 15h ici, on ne voit pas les heures de travail passer. Déballage des fers à souder, les neurones en ébullition et une nuit blanche après, les deux premières cartes capables de mesurer la pression correctement et piloter les servomoteurs en toute sérénité sont nées.
48h : C’est le temps qu’il faudra à Vincent pour que d’autres membres mis à disposition par Tronico arrivent renforcer l’équipe “électronique” : Édita, Stéphane, Morgane, Sandra se mettront en charge de sourcer les composants, gérer les approvisionnements et multiplier les cartes.
29 mars : C’est officiel, nous avons le soutien du CEA, qui met à notre disposition ses moyens logistiques. Coursiers, production de pièces sur les imprimantes du CEA Grenoble : tout est mis en place pour gagner du temps dans cette course contre la montre. Après de multiples échanges, la nécessité de déménager la team confinée est évidente. Un bus est affrété, départ pour Grenoble, au CEA.
31 mars 23h00 : C’est parti pour Grenoble. Combien de temps ? On ne sait pas. Le bus permet de dormir quelques heures, grand luxe.
Expertises, machines de production, matériel de mesures : le projet n’est plus seulement celui d’un collectif de makers et d’industriels locaux mais celui d’une intelligence collective dans laquelle toutes les énergies et compétences sont bonnes. Les experts du CEA challengent avec des normes et process établis, toutes les parties doivent faire des compromis pour mixer rapidité et qualité. Il faut aller vite, mais faire bien.
Cet “extrait de journal” est issu d’un Entretien avec Pierre. Il ne saurait se substituer à la reconnaissance du collectif pour le travail et l’implication des bénévoles et partenaires tels que Tronico, St-Microelectronics et SenX… 🙂
Le collectif #MakersForLife, c’est bien plus que des compétences liées au dev électronique ! Découvrez le journal de Maud, celui d’Arthur, de Pierre, de David, Clément ou encore de Jenn’ !