Samedi 21 mars, 21h00
“Erik – Diabeloop” s’affiche sur l’écran du téléphone.
Les enfants sont tout juste couchés. Ce type de coup de fil, mon employeur ? Un Samedi soir ? … Surprenant !
” On m’a contacté pour participer à un projet, ça te dit ? Je vais avoir besoin de chargés de projet ” : c’est par ces mots qu’ont commencé les premiers contacts de Maud Plombas avec le collectif Makers for Life.
Période de confinement jointe à une activité plutôt en creux à cause de la pandémie, faire quelque chose était important.
Faire une certification médicale équivalente à un marquage CE en 3 mois et un lancement d’essai clinique en 1 ?
Improbable.
Et pourtant.
“Allez, Banzaï ! on verra bien ! On sait pourquoi on est là. On ne sait pas trop comment, mais on va tout faire pour y arriver.”
Et puis tout va très vite. Les journées ressemblent à des semaines en terme d’avancement, le nombre de participants croît de manière exponentielle. Les avancées et les moyens mis à notre service sont inimaginables comparé à ce qu’on l’ont peut rencontrer dans un contexte industriel “normal”. L’entraide, la solidarité, tous les verrous habituels sont levés, la machine est en marche et elle ne s’arrêtera que lorsque des patients pourront bénéficier de cette technologie.
Très vite une équipe expérimentée en qualité réglementaire s’est jointe à nous. Des personnes impliquées, renommées et avec qui il est facile de travailler. Sans eux, rien n’aurait été possible.
Tout au long de l’aventure, la team réglementaire a eu (et a toujours) deux drivers :
– le premier, le “risque patient”. Toujours se demander, qu’est ce qui est bon pour le patient ?
– le second, développer main dans la main avec le corps médical.
Dissocier “l’indispensable” de ce qui serait “bien de faire” dans un contexte vraiment atypique
Une équipe de 8, 10 personnes : d’un point de vue perso, Maud a décidé d’y aller, tout comme ceux qui l’ont accompagnée. Voir ce que l’aventure donne : au pire, on aura posé un jalon dans le monde de l’open source, sinon, on sauve des vies. Pour ce faire ? Dissocier “l’indispensable” de ce qui “serait bien de faire si on avait le temps”. Le pilotage n’est pas le même que dans des projets “ordinaires”. Il faut gérer les priorités, c’est une course contre la montre. Aller au plus efficace, faire des compromis et être capable de les justifier.
Avec l’aide de Cyrille (MD101), d’Erik, Cécilia, Marc de Diabeloop, les premières bases de la stratégie QARA sont posées. Derrière le nom barbare de QARA il faut entendre “Quality Assurance and Regulatory Affairs for Medical Devices”.
Habituellement, la durée de développement et mise sur le marché d’un dispositif médical de cette classe réglementaire est d’environ deux ans, voire plus.
Pour Maud, responsable des opérations chez Diabeloop pendant 2 ans, et aujourd’hui en charge du développement de nouveaux produits, cette expérience hors norme lui a permis de voir en version accélérée ce qu’elle devra accomplir durant ces prochaines années. . Eh oui, 1 mois au lieu de deux ans ! Dans un contexte juste inimaginable il y a encore quelques semaines.
Le 31 Mars, la team confinée part à Grenoble rejoindre les experts du CEA. La team QARA, elle, continue de suivre cela à distance. Début Avril, la région AURA devient fabricant de dispositifs médicaux, le site de production est une salle blanche au CEA : c’est improbable.
Rien ni personne n’aurait pu prédire ce qu’il allait se passer.
Le premier prototype fonctionnant, un support et une confiance politique, industrielle inimaginable nous ont permis de pouvoir industrialiser la première version du MakAir en vue des essais cliniques.
Le 8 Avril, le gouvernement accorde son soutien au projet en finançant les premières machines et essais cliniques. Un soutien officialisé par Florence Parly, ministre des Armées, quelques jours après.
Un truc de fou tous les jours. Chaque journée passée, c’est comme s’il s’était écoulé 6 mois.
La production des éléments du dossier technique s’est faite au même rythme que la conception. Nous avons accompagné le CEA pour qu’ils puissent produire au plus proche des règles de l’art des exigences liées au dispositifs médicaux. Nous avons ajusté et échangé avec toutes les personnes pouvant nous aider à constituer le dossier technique répondant aux exigences des autorités de santé.
Nous avons dû ruser, être malins, pragmatiques autant qu’astucieux. Étant un collectif, bon nombre d’exigences étaient complexes à mettre en oeuvre.
Maud – Diabeloop
MakAir a donc été développé comme un dispositif médical de classe IIb, respectant les exigences essentielles de la directive européenne du dispositif médical 93/42/CEE.
Tests techniques, des alarmes, par cycles longs, stress test du soft… tout a été fait par le management du risque patient : qu’est-ce qui est bon pour lui ?
Le dispositif peut être beau, robuste, très cher ou à l’inverse absolument pas : si un point de contrôle échoue, si le coté qualité sécurité, réglementation dit “non”, ça ne passe pas il n’y a d’autres choix que d’intégrer une fonctionnalité, modifier le design, faire différemment.
Le CEA, les partenaires et les makers ont été extrêmement agiles, ont fait en sorte que l’assemblage soit réalisable d’un point de vue industriel. Tout le monde a travaillé en ce sens. Solidarité, vitesse.
Cet ensemble, ce mode de fonctionnement, les relations avec les autorités de santé, les partenaires industriels en ce contexte si contraint et difficile, c’est formateur, c’est unique.
Ce projet n’est pas un projet, c’est une expérience à part entière, composée de rencontres professionnelles incroyables avec des gens mémorables. Cela ne s’arrêtera pas là. Il est certain que je ferai appel à certains d’entre eux pour un conseil, un avis, un contact dans ce qui m’attend prochainement chez Diabeloop.
10 Avril : Le dossier clinique est déposé
Premier cap franchi, le dossier clinique est déposé. Plusieurs centaines de pages, des questions complémentaires vont arriver. Au travers de ceci, la documentation technique, les spécifications, les plans, les moyens de tester, leur justification. Tout a été décortiqué.
Aujourd’hui, un jeu de ping-pong a démarré entre l’ agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et le promoteur/ fabricant, alternant détails techniques complémentaires et questions variées. Il leur appartient désormais de confirmer le lancement des essais cliniques.
Limiter la sédation des patients, c’est aussi limiter la dépendance aux produits et au besoin d’un sevrage. C’est limiter la douleur provoquée par l’intubation et la respiration “forcée”. C’est aussi un temps d’hospitalisation plus court. En période de surcharge hospitalière, cela peut s’avérer non négligeable.
Rendre le respirateur plus intelligent pour diminuer le recours à la sédation. Un des prochains enjeux du MakAir.
Cet “extrait de journal” est issu d’un Entretien avec Maud. Il ne saurait se substituer à la reconnaissance du collectif pour le travail et l’implication des bénévoles et partenaires tels que Diabeloop et MD101 🙂
Beaucoup de chemin reste encore à parcourir avant la mise sur le marché de notre respirateur mais nous venons de démontrer ces dernières semaines que rien n’est impossible avec l’intelligence collective dont le collectif #MakersForLife fait preuve chaque jour !
Découvrez le journal de Pierre, celui d’Arthur, de David, Clément ou encore de Jenn’ !