11 mars 2020 : l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qualifie la crise mondiale du COVID-19, nouveau coronavirus identifié en Chine en janvier 2020, de pandémie. Extrêmement contagieux, ce virus peut entraîner des complications sévères et une hospitalisation en réanimation. Avec ce virus, la période de mise sous respiration artificielle oscille entre 10 et 20 jours en moyenne.
Les systèmes de santé mondiaux sont mis sous pression par l’afflux de patients atteints de COVID-19. Les équipements de respiration artificielle sont en nombre trop limité pour faire face à la pandémie, alors même que le pic n’a pas encore atteint toutes les régions du Monde. Face au nombre significatif et croissant de patients infectés par le COVID-19 en détresse respiratoire, “le nombre de machines est le problème numéro 1”, affirmait Martin Hirsch, Directeur général de l’AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris) le 23 mars.
Animé par l’envie de solutionner le problème de disponibilité des respirateurs artificiels pour les soignants et de contribuer à sauver des vies, le collectif Makers for Life est lancé le 16 mars 2020 à Nantes par des entrepreneurs organisés en mode startup. Premier facteur clé de réussite du projet, des réanimateurs, des chercheurs et des professionnels de santé du CHU de Nantes et de Brest et de l’Université de Nantes sont au coeur du projet.
La volonté affirmée de concevoir un respirateur (ventilateur mécanique) de qualité médicale conforme aux exigences des dispositifs médicaux et organisations de santé (Directives européennes DM et protocole de recherche clinique sous contrôle de l’ANSM) a présidé.
Le collectif et le projet Makers for Life ont été initiés par un trio d’entrepreneurs nantais : Quentin ADAM (CEO Clever Cloud), Baptiste JAMIN et Valérian SALIOU (Co-fondateurs Crisp), immédiatement rejoints par Emmanuel FELLER (Développeur Clever Cloud) et le Professeur Pierre-Antoine GOURRAUD, Enseignant Chercheur à l’Université de Nantes et praticien Hospitalier au CHU de Nantes. Parmi les premiers membres actifs à avoir soutenu l’initiative, on retrouve aussi des spécialistes de la MedTech, Erik Huneker et Marc Julien de Diabeloop.
L’intelligence collective, la spontanéité
Au 8 avril, ce sont plus de 250 bénévoles qui ont rejoint le projet. Organisé en une douzaine d’équipes (prototypage mécanique/code/électronique, réglementaire & qualité, essai clinique, logistique, sourcing spécifique, industrialisation, communication…), le collectif s’est construit grâce à une incroyable mobilisation de compétences et de réseaux.
Cette initiative, c’est la force collective d’un projet qui a rassemblé sur les ressorts de la solidarité et de l’urgence d’agir. Un projet “Pro Bono” qui dans un période de crise, qui plus est en confinement, s’est posé dès le début en briseur de frontières pour permettre l’émergence d’une véritable intelligence de groupe.
“J’ai rarement vécu un niveau d’engagement collectif aussi fort, les horaires, les week-ends, la fatigue n’ont jamais semblé être une question…”
Clément Niclot Ingénieur Mécanique
Dans un contexte de confinement, concevoir un véritable projet industriel en quelques semaines relève clairement de l’exploit. Et si MakAir contribuait à sa manière à l’émergence d’une industrie à la Française, conjuguée au XXIème siècle ?
Spontané, parti de la “crise” COVID 19, le collectif autant que le consortium se sont constitués naturellement, sans imaginer ce qu’ils seraient aujourd’hui. Face au mur, l’instinct prime. L’industrie mondialisée montre ses limites. Les convictions sont intimes, la prise de conscience est collective et immédiate.
Plus de 250 inconnus aux compétences variées avec leurs outils, leurs ressorts créatifs ont coopéré en toute transversalité hors de tous les silos. Parti d’un noyau qui a grossi, les compétences intégrées au projet MakAir sont venues se greffer au fil des besoins, jour après jour. Aujourd’hui, les industriels intégrés au consortium ont suivi le même chemin en s’adaptant avec efficacité au mode de fonctionnement du collectif. Comme le spécialiste du drone a pu apporter son expertise sur les moteurs, l’industriel spécialisé dans l’automobile a pu apporter son savoir-faire sur les filtres et sur l’industrialisation. Le spécialiste des cartes électroniques s’est allié au CEA pour organiser la logistique et les approvisionnements.
Et si l’avenir de nos industries était là ?
Et si cette intelligence collective dessinait nos industries de demain, en repensant la façon dont nous produisons, en utilisant les expertises et spécialités de nos industries différemment ?
Communication, organisation horizontale : des documents collaboratifs à la visio en passant par slack, les outils utilisés ne sont pas les seules méthodes empruntées aux startups. La logique de financement du projet suit ces principes, hors des méthodes traditionnelles et capitalistiques lourdes. Un démonstrateur, un prototype ainsi qu’un MVP ont été rapidement développés. A chaque étape, ces éléments clé ont permis de débloquer des fonds supplémentaires donnant pertinence et crédibilité au MakAir.
Il y a encore quelques semaines de cela, qui aurait imaginé qu’en France, cette intelligence collective aux origines instinctives, eût permis de relever ce challenge : créer un respirateur à asservissement logiciel, préparer son industrialisation et sa certification médicale dans le même temps.
Avec un coût de 15 fois inférieur à la référence sur le marché, cette démonstration n’est pas seulement celle de la puissance du collectif, mais aussi celle de notre industrie, capable de produire à prix raisonnable sans rogner sur la qualité et le respect des normes.
Produire de façon agile, locale, pour être en capacité de répondre aux besoins, qu’ils soient de crise ou sur le long terme. Que la criticité ne soit plus une question mais simplement un facteur d’anticipation pour une industrie plus collaborative plus performante.
Ils font partie du collectif Makers for Life : http://makersforlife.fr/